Septembre 2006 - n°113

L’IFRAF, Institut Francilien de Recherche sur les Atomes Froids

Créé en octobre 2005 sous l’impulsion de M. Claude COHEN-TANNOUDJI, Prix Nobel de Physique 1997, l’Institut Francilien de Recherche sur les Atomes Froids (IFRAF) fédère les compétences d’une trentaine d’équipes de six laboratoires franciliens, tous affiliées au CNRS et travaillant dans le domaine des atomes froids : le Laboratoire Kastler Brossel, le Laboratoire des systèmes de référence temps espace (SYRTE), le Laboratoire Charles Fabry, le Laboratoire de physique théorique et modèles statistiques, le Laboratoire Aimé Cotton et le Laboratoire de physique des lasers.

« Les atomes froids sont devenus des outils privilégiés pour la recherche. Ils permettent des tests sévères des théories fondamentales, telles que la relativité générale, et ouvrent de nouveaux champs comme l’interférométrie atomique, les molécules ultrafroides, les gaz quantiques dégénérés », déclare Claude COHEN-TANNOUDJI. « L’IFRAF contribuera de manière essentielle au développement de cette aventure scientifique… ».
Questions à Mme LEDUC, directrice de l’IFRAF.

En quoi consistent les recherches sur les atomes froids ?

« Les forces exercées par la lumière sur les atomes servent à les ralentir, les refroidir et les piéger. De tout petits nuages de gaz, d’environ un milliard d’atomes, lévitent alors dans le vide à des températures de quelques milliardièmes de degré au-dessus du zéro absolu », explique Mme LEDUC « De nouveaux états de la matière aux propriétés fascinantes sont ainsi produits… »

Quels sont les objectifs de l’IFRAF ?

La création de l’IFRAF répond à plusieurs objectifs stratégiques :
- conforter un domaine de recherche de pointe très compétitif et permettre aux chercheurs français de se tenir au premier rang de la recherche internationale
- mutualiser des ressources entre les partenaires et développer des projets nouveaux mettant en jeu les forces et les idées de plusieurs laboratoires de l’Institut
La visibilité de l’IFRAF doit lui permettre de tisser des liens de coopération avec les centres d’excellence de même niveau qui se constituent un peu partoutà l’étranger, favorisant l’essaimage de personnels vers d’autres laboratoires en France et vers les entreprises de la Région.
Les objectifs scientifiques concernent des recherches fondamentales sur les gaz quantiques et leur application à court et moyen terme. En effet, le refroidissement et le piégeage des atomes permettent la construction de systèmes quantiques entièrement contrôlables et ouvrent des perspectives nouvelles dans les domaines des technologies du spatial et de la métrologie du temps, des nanosciences et de l’information.

Quelles perspectives voyez-vous pour l’innovation ?

« La recherche fondamentale est au cœur des travaux de l’IFRAF, mais des applications importantes voient le jour », constate Michèle LEDUC. « Les atomes froids sont au centre des horloges atomiques les plus précises au monde et les gyroscopes ou les gravimètres à ondes de matière ont un fort potentiel pour la navigation ou la géophysique… »

Les recherches menées par l’IFRAF s’articulent
autour de six axes scientifiques :

* Atome Laser : pièges magnéto-optiques
L’absorption de lumière laser applique une formidable décélération aux atomes : leur vitesse décroît de plusieurs centaines de mètres à quelques centimètres par seconde. Combinée avec des champs magnétiques, elle permet de capturer des nuages d’atomes dans des pièges dits magnéto-optiques.

* Gaz quantiques : systèmes modèles
Au-dessous d’une température critique, un nouvel état de la lumière apparaît : le condensat de Bose Einstein. Les atomes ont alors un comportement collectif surprenant, agissant tous de manière identique. Les condensats sont considérés comme des systèmes modèles pour des problèmes complexes en physique de la matière condensée, tels que la supraconductivité ou la superfluidité.

* Mesure du temps : course à la précision
Les atomes froids ont considérablement amélioré la précision des horloges atomiques. L’horloge d’atomes de césium installée au SYRTE (Observatoire de Paris) est la plus exacte au monde : l’erreur sur le mesure du temps est d’une seconde sur 100 millions d’années. La course à la précision continue à l’IFRAF. Une horloge à atomes froids de strontium est actuellement en construction ; sa précision devrait dépasser celle de l’horloge à césium actuelle !..

* Projets spatiaux : horloges et gyroscopes
Une version miniaturisée de l’horloge à atomes de césium sera bientôt envoyée sur la station spatiale internationale dans le cadre du projet PHARAO du CNES (Centre National d’Etudes Spatiales). Elle deviendra la référence de temps pour toutes les horloges de la terre. Des gyroscopes à atomes froids sont égalementà l’étude à l’IFRAF et seront utilisés pour le positionnement dans l’espace.

* STIC : information et communications quantiques
Avec les atomes d’un condensat piégé dans un réseau optique, on peut créer des « bits » quantiques : ceci ouvre de nouvelles perspectives pour le traitement de l’information (ordinateurs et mémoires plus performants) et pour les communications (cryptographie quantique).

* Nanosciences : tendre vers le plus petit
Un des grands défis de la recherche en atomes froids est la miniaturisation. Aujourd’hui, les horloges à atomes froids mesurent plusieurs mètres de haut. Demain, le laser et le piège magnétique tiendront sur une puce à atomes de quelques microns. Des faisceaux d’ondes de matières, appelés lasers à atomes, seront extraits des condensats. Si leurs applications sont encore à définir, on pense déjà à la nanolithographie avec des atomes.

L’ensemble des projets IFRAF repose sur des financements d’origine multiple (CNRS, universités, agences nationales, collectivités territoriales, communauté européenne, contrats privés). Le soutien de la Région Ile-de-France est très important et a joué un rôle déterminant dans la mise en réseau des équipes de l’IFRAF, en particulier pour l’acquisition des équipements scientifiques des nouveaux projets, l’aménagement de nouveaux laboratoires, ou encore, le financement des bourses de post-doctorants et la prise en charge des visiteurs étrangers…

Concluons en précisant que l’Institut Francilien de Recherche sur les Atomes Froids a été fondé par sept établissements scientifiques : le CNRS, l’Ecole Normale Supérieure (ENS), l’Observatoire de Paris, l’Institut d’optique, l’Université Pierre et Marie Curie, l’Université Paris-Sud et l’Université Paris-Nord. Son siège se situe au sein de l’ENS de Paris. Les établissements membres de l’Institut ont décidé de constituer un groupement d’intérêt scientifique (GIS) chargé de définir les orientations scientifiques et stratégiques, de contrôler et d’animer les partenariats sur des objectifs communs…

SD