Novembre 2007 - n°126

« Biologie et génétique du paludisme », un laboratoire de l’Institut Pasteur

En juin dernier, le Dr Robert MENARD, chef de l’unité « Biologie et Génétique du paludisme » de l’Institut Pasteur, s’est vu remettre le Prix Pasteur Vallery-Radot 2007, décerné par la Bibliothèque nationale de France, l’occasion de vous présenter plus précisément son laboratoire, son équipe et ses activités de recherche….

Le Dr Robert MENARD et son équipe

Robert MENARD est docteur en médecine (Paris V - René Descartes), ex-interne des Hôpitaux de Paris avec une spécialisation en maladies infectieuses et microbiologie.

Après une thèse (1991-1995) à l’Institut Pasteur dans le laboratoire du professeur Philippe SANSONETTI, il a effectué un stage post-doctoral de trois ans aux Etats-Unis (New York University School of Medicine) où il a ensuite rempli les fonctions de professeur assistant pendant deux ans.

Revenu à l’Institut Pasteur en 2000, il dirige actuellement l’Unité de Biologie et génétique du paludisme. Son laboratoire se consacre à l’étude des premières étapes de l’infection par Plasmodium, l’agent responsable du paludisme. L’équipe compte 14 personnes, dont trois chercheurs statutaires (un spécialisé en biologie moléculaire, un en histologie / immunologie et un en imagerie), quatre stagiaires post-doctoraux, trois étudiants en thèse et deux techniciennes.

Doté de tout le matériel nécessaire aux recherches en biologie, le laboratoire a beaucoup investi ces dernières années dans la mise au point de nouveaux outils de génétique moléculaire et d’imagerie in vivo. Il profite également de l’accès aux différentes plates-formes technologiques de l’Institut Pasteur, et en particulier à celle d’imagerie dynamique, dont il est un fervent utilisateur.

Le Dr MENARD et son équipe entretiennent en outre de nombreuses collaborations en France et à l’international. Ils travaillent ainsi régulièrement en partenariat avec le laboratoire d’immunologie du Dr F. ZAVALA (Baltimore, Etats-Unis), celui de génétique moléculaire du Dr C. JANSE (Leiden, Pays Bas), celui d’imagerie du Dr V. HEUSSLER (Hambourg, Allemagne) ou encore celui de mutagenèse du Dr YUDA (Mie, Japon)…

Un objectif : étudier les stades pré-érythrocytaires de l’infection par Plasmodium

L’unité « Biologie et Génétique du paludisme » a été créé en 2002 avec pour objectif d’étudier les stades pré-érythrocytaires de l’infection par Plasmodium et d’élucider les bases moléculaires du pouvoir infectieux des sporozoïtes.

« Après une piqûre de moustique, le parasite est injecté dans la peau et transite par le foie, où il acquiert une forme mature, virulente. Celle-ci est ensuite capable de coloniser les cellules sanguines », explique le Dr Robert MENARD. « Pendant la première phase précédant l’infection dans le sang, l’hôte piqué ne présente aucun symptôme ; mais cette phase est depuis longtemps connue pour constituer une excellente cible vaccinale, car l’injection à cette période de parasites atténués confère une protection durable et complète contre la maladie… »

Le laboratoire pasteurien se concentre donc sur cette phase pré-érythrocytaire de Plasmodium, qui comprend le voyage du parasite depuis le site de piqûre du moustique jusqu’au foie de l’hôte, ainsi que le développement du parasite dans le tissu hépatique. « Notre but principal aujourd’hui est de mieux comprendre les interactions qui surviennent entre le parasite et son hôte, entre la piqûre infestante du moustique et le moment où les parasites sont relâchés dans le sang », ajoute M. MENARD.

Dans cette optique, le Laboratoire utilise des approches de génétique moléculaire, de biologie cellulaire et d’imagerie in vivo. Les techniques d’imagerie permettent de suivre en temps réel les parasites dans leur environnement naturel, tandis que les outils de génétique moléculaire fournissent des parasites modifiés - des mutants - sur commande.

Trois approches technologiques complémentaires

L’imagerie in vivo du parasite

Depuis quelques années, le Laboratoire du Dr MENARD poursuit une étude sur le devenir in vivo du parasite P. berghei, une espèce qui infecte les rongeurs.

« Les avancées majeures de nos travaux ont été obtenues grâce à l’imagerie du parasite » confie M. MENARD. Ces recherches ont en effet permis de redéfinir le parcours du parasite entre la peau et le foie, et montre l’existence d’une étape ganglionnaire jusqu’ici non suspectée.

Dissection des bases moléculaires de l’infection par le sporozoïte

L’unité « Biologie et génétique du paludisme » a pu également mettre au point une nouvelle technique de mutagenèse conditionnelle, capable d’inactiver tout gène du parasite, spécifiquement lorsque celui-ci a atteint les glandes salivaires du moustique.

« Cette technique va nous permettre d’étudier la fonction des protéines de surface du sporozoïte, dont l’absence est en général léthale avant que le stade sporozoïte du parasite ne soit formé », explique Robert MENARD. « Nous avons aussi construit et exprimé des fusions entre des protéines d’intérêt et diverses protéines fluorescentes. En utilisant ces deux types d’approches, nous disséquons actuellement le rôle de quatre protéines de surface du sporozoïte qui pourraient jouer un rôle important dans l’entrée du sporozoïte dans les cellules de l’hôte… »

Identification de nouvelles protéines d’intérêt des stades pré-érythrocytaires du parasite

L’année passée, le laboratoire a par ailleurs finalisé l’analyse par SAGE (Serial Analysis of Genes Expression) du sporozoïte et le criblage in silico de gènes potentiellement exprimés, dans les seuls stades intra-hépatiques du parasite. Ces deux approches ont permis d’identifier environ 100 nouveaux gènes qui, au vu de leur profil d’expression, pourraient jouer un rôle dans le développement du parasite.

Grâce à ces trois approches technologiques, les recherches de l’unité pasteurienne « Biologie et génétique du paludisme » pourraient contribuer à l’émergence de nouvelles stratégies vaccinales dirigées contre la phase pré-érythrocytaires du paludisme. Des solutions utilisables en zone d’endémie de la maladie, car rappelons-le : le paludisme tue encore un enfant toutes les 30 secondes en Afrique et entre un et trois millions de personnes par an selon les estimations de l’OMS.

SD