Février 1999 - n°35
L'évolution de la synthèse des oligos
De nombreuses sociétés de différente taille proposent aujourd'hui des services à façon, en particulier pour la synthèse des oligonucléotides.
En effet, la demande en oligonucléotides augmente régulièrement. Cette évolution est tout à fait explicable, et il existe de nombreux autres exemples de ce type d'évolution en Biologie (anticorps, enzymes...).
Lorsqu'une nouvelle technologie ou un nouvel outil apparaît, les besoins sont relativement limités au départ. Puis, avec le développement de la technique, les chercheurs se trouvent confrontés au problème de temps et de rentabilité: comment puis-je continuer ma recherche sans passer de temps à fabriquer moi-même les outils que je dois utiliser ?
C'est alors qu'apparaissent les sociétés privées qui vont fournir ces outils à la demande. Au cours du temps, les besoins augmentant, la concurrence s'intensifie, les prix baissent, la qualité du service a tendance à s'améliorer.
Il existe encore des gros laboratoires qui fabriquent leurs oligos, mais c'est une race en voie de disparition, car, à part de rares exceptions, leur coût de fabrication est tel qu'il devient de moins en moins intéressant de maintenir un laboratoire de synthèse. Il faut renouveler le matériel vieillissant, les techniques de contrôles de qualité évoluent, et les prix du marché sont de plus en plus bas, etc... La tendance s'oriente donc clairement vers la sous-traitance.
Quelle est la logique qui prévaut aujourd'hui ?
Il y a deux aspects. Aujourd'hui, les chercheurs ont deux types d'exigence : la qualité et le prix. Pour le prix, il suffit de regarder les anciennes factures d'oligonucléotides des laboratoires pour se rendre compte que les prix ont subi, en quelques années, une baisse drastique, pour le plus grand bénéfice des laboratoires utilisateurs.
La concurrence a obligé les fournisseurs à rechercher des économies de coûts de production, par exemple en automatisant de plus en plus leurs productions et en cherchant à réaliser des économies d'échelle. Cela s'est traduit par des investissements lourds, mais à donné le résultat que nous avons aujourd'hui, en terme de prix. Cela dit, c'est bien sûr au détriment des petits fournisseurs, ou de ceux qui n'ont pas su ou pas pu prendre le virage de l'investissement au moment ou il était encore temps. Aujourd'hui, il est clair que seuls survivront les fournisseurs ayant une taille critique leur permettant de réaliser des économies d'échelle. Vous savez, il n'y a pas de miracle, tout le monde utilise la même chimie et les instruments des mêmes fournisseurs pour synthétiser ses oligonucléotides.
Et la qualité ?
C'est une tendance, initiée et amplifiée par l'évolution de la biologie moléculaire. Ce secteur connaît depuis quelques années une expansion considérable. On assiste par exemple en ce moment au développement d'un très grand nombre d'applications innovantes, telles que le séquençage à haut débit, le mini-séquençage SNP, la mutagenèse dirigée, la transgenèse, pour n'en citer que certaines, qui nécessitent l'utilisation d'équipements mais également celle de réactifs de haute qualité.
Un autre exemple est constitué par l'industrie pharmaceutique, qui se tourne actuellement vers de nouveaux outils dans le cadre de la découverte de molécules à visée thérapeutique, avec d'une part l'identification de milliers de cibles moléculaires et d'autre part le criblage à haut débit de milliers de composés chimiques sur les cibles préalablement identifiées. Face à ce défi, de nombreux laboratoires de recherche académique et des sociétés de Biotechnologies sont actuellement engagés dans des programmes de recherche et développement en collaboration avec l'industrie pharmaceutique.
Dans ce contexte, on comprend clairement que la détection de nouvelles cibles moléculaires est dépendante d'une forte augmentation des capacités d'analyse et donc de la nécessité de disposer d'outils et de technologies adaptés à ces besoins. Devant les difficultés d'adaptation de l'outil de Biologie Moléculaire à une analyse qui demande à être toujours plus précise, plus rapide et plus complexe, la technologie des puces à ADN tente par exemple d'apporter des solutions en combinant la micro-analyse et la technique d'hybridation moléculaire spécifique. Outre l'importance du support d'hybridation et de la pureté de l'échantillon biologique testé, la qualité des sondes oligonucléotidiques est primordiale. En effet, la qualité de l'hybridation moléculaire est très importante et dépendante en partie de la pureté de l'oligonucléotide utilisé.
Quelles sont les contraintes techniques ?
La principale limite dans la synthèse des oligos de nos jours réside dans la chimie de la phosphoramidite. Bien que le producteur principal de réactif (fournisseur de la quasi-totalité des fabricants d'oligos) garantisse une efficacité de 98% dans le couplage des bases sur un synthétiseur, le rendement décroît en fait très rapidement en fonction de la longueur de l'oligonucléotide, comme indiqué sur la courbe ci-dessous.
Dans ces conditions, dans le tube où se sera effectué la synthèse d'un oligo de 25-mer, on ne trouvera vraiment que 79% de séquences complètes. Il sera nécessaire d'éliminer les séquences non complètes, et donc de purifier. Un autre effet intéressant de la purification est qu'elle élimine tous les sels utilisés lors de la synthèse.
Jusqu'à présent, les laboratoires qui avaient un besoin d'oligos très purs devaient les payer très cher. La purification supposait l'utilisation de techniques manuelles comme la purification sur gel PAGE, ou semi-automatisées comme l'HPLC préparative. Avec cette dernière technique, d'autre part, l'utilisation de tubulures et colonnes en métal entraîne la présence d'ions Fe++ dans la solution, ions susceptibles d'influer sur les résultats de manière significative.
Face aux nouveaux besoins, sont apparus sur le marché des oligonucléodides ultra-purs (qualité HPSF®) à des prix proches de ceux des oligos non purifiés, cela grâce au développement de techniques propres de purification très efficaces et automatisables, sans influence d'ions métalliques, parfaitement adaptées aux nouvelles applications innovantes et aux technologies DNA-chips.
Cependant, la plupart des applications courantes dans les laboratoires ne nécessitent pas l'utilisation d'oligos purifiés. On trouve actuellement sur le marché des qualités intermédiaires d'oligos répondant parfaitement au besoin des laboratoires.
Quels paramètre vous faut-il incriminer si votre réaction d'amplification ne marche pas ?
L'oligo ?, l'enzyme ?, le thermocycleur ? Il est important pour le chercheur de contrôler le maximum de facteurs pouvant influencer les résultats. L'oligonucléotide est l'un de ces facteurs, très important. Plus le chercheur aura la possibilité de travailler avec des produits qualifiés, plus il minimisera les risques de variabilité et de non reproductibilité des résultats, intrinsèques aux réactifs utilisés.
En conclusion ?
Sans vouloir faire de jeu de mot facile, nous assistons à une mutation de la biologie moléculaire qui évolue du domaine de l'expérimentation à celui de l'analyse pour le diagnostic et la production industrielle. En conséquence, l'homologation des outils entrant dans ces processus deviendra rapidement une nécessité.