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L'Institut Pasteur de Côte d'Ivoire, en première ligne dans la lutte contre les bactéries multi-résistantes

Acteur majeur dans le domaine de la santé publique et de la recherche scientifique en Afrique, l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire renforce son engagement dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens.

Le 19 mars dernier, il a accueilli à Abidjan la quatrième réunion annuelle du secrétariat du Groupe Technique de Travail (GTT) dédiée aux thématiques de laboratoire et à la résistance aux antimicrobiens en particulier. Ce rendez-vous stratégique a réuni une douzaine d’experts nationaux issus des secteurs de la santé humaine, animale, environnementale et alimentaire, pour pour la mise en œuvre du PAN- RAM d’un plan d’action ambitieux et multisectoriel. Une étape décisive dans la lutte contre l'antibiorésistance en Afrique de l'Ouest, un défi sanitaire majeur qui menace l'efficacité des traitements antibiotiques et compromet la santé publique à l'échelle mondiale…

L'Institut Pasteur de Côte d'Ivoire, pilier de la santé publique en Afrique de l’Ouest

Créé en 1972 à l'initiative du premier président ivoirien Félix HOUPHOUËT-BOIGNY, l'Institut Pasteur de Côte d'Ivoire s’impose aujourd’hui en maillon incontournable de la recherche biomédicale et de la surveillance épidémiologique en Afrique de l'Ouest. Établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) placé sous tutelle du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, il a été dirigé de 2004 à 2025 par le Professeur Mireille DOSSO, éminente chercheuse , microbiologiste et virologue. Depuis janvier 2025, l’IPCI est dirigé par le Professeur Meité SYNDOU.

L’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire réunit aujourd’hui près de 250 chercheurs, techniciens, doctorants et administratifs, auxquels s’ajoutent une quarantaine de doctorants et plus de 300 stagiaires. Implanté sur deux sites stratégiques - à Cocody dans l'enceinte du CHU et à Adiopodoumé sur une surface de 17 hectares - il remplit quatre missions fondamentales : recherche, formation, diagnostic et surveillance épidémiologique. Depuis son intégration au Réseau International des Instituts Pasteur en 1978, l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire a consolidé son expertise dans la gestion des crises sanitaires, jouant un rôle déterminant face aux épidémies d'Ebola, de Zika, de dengue, de fièvre jaune et plus récemment de COVID-19. Ainsi, au-delà de son rôle phare en recherche fondamentale et appliquée, il participe aussi activement à la recherche clinique pour développer des médicaments et améliorer les diagnostics.

PHOTO FAMILLE
Photo de famille avec le point focal national de la RAM lors de la réunion annuelle 2025 de GTT RAM sur la revue des progrès vers l’amélioration des scores de l’évaluation conjointe
(point focal la Pr Nathalie GUESSENND, 2è personne sur le 1er rang à partir de la droite)
 

Une plateforme technologique de pointe

L’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire dispose de 35 laboratoires répartis en 10 départements spécialisés dans des domaines tels que la bactériologie, virologie, parasitologie, mycologie, immunologie et cancérologie. Il est équipé de plateformes technologiques avancées, comme un laboratoire P4 pour les pathogènes à haut risque, une bio-banque régionale CEDEAO pour la conservation des échantillons biologiques et des équipements modernes tels que VITEK MS PRIME et le Maldi-tof pour l’identification rapide des germes.

A noter également que son laboratoire central abrite 20 Centres Nationaux de Référence (CNR) pour les maladies transmissibles, ce qui en fait un hub d'excellence scientifique pour toute la région.

Une coopération internationale au service de la santé publique

L'Institut Pasteur de Côte d’Ivoire bénéficie d'un soutien international significatif, notamment du CDC (Centers for Disease Control and Prevention) américain. Une délégation du CDC Atlanta a d'ailleurs visité il y a tout juste deux ans ses installations, reconnaissant l'excellence de ses équipements techniques et de ses départements. Cette collaboration s'inscrit dans une dynamique de renforcement des capacités locales face aux défis sanitaires émergents.

Une réponse coordonnée aux enjeux sanitaires

La deuxième réunion annuelle du Groupe Technique de Travail (GTT) dédiée aux thématiques de laboratoire qui s'est tenue le 19 mars dernier à Abidjan, s’inscrit dans la continuité d’une évaluation conjointe externe menée en décembre 2023. L’objectif : élaborer, en réponse aux recommandations de cette évaluation, un plan d’action annuel cohérent et ciblé, visant à prioriser les activités de 2025 et établir une liste des bactéries à surveiller, dans un contexte de recrudescence des infections liées aux soins et de prolifération des germes résistants aux antibiotiques. L’ambition est de renforcer la sécurité sanitaire face aux problèmes de santé publique, aux maladies émergentes et aux pathogènes résistants.

L'antibiorésistance, un enjeu sanitaire mondial

La professeur Nathalie GUESSENND, point focal national dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens, et coordinatrice du groupe technique de travail sur la RAM logé au sein de la plateforme une santé, a rappelé que ces bactéries sont responsables d’infections nosocomiales graves, ayant déjà conduit à la fermeture de plusieurs services hospitaliers dans le pays et mettant directement en danger la vie des patients. Elle a également précisé que cette réunion s’inscrit dans les activités du Comité Technique Multisectoriel (CTM4), axé sur la prévention et contre des infections dues aux bactéries multirésistantes constituant un des piliers du plan d’action national de lutte contre la RAM.

La résistance aux antibiotiques constitue en effet aujourd'hui l'une des plus graves menaces pour la santé mondiale. L'usage inapproprié et excessif des antibiotiques a favorisé l'émergence de « superbactéries » résistantes à la plupart, voire à l'ensemble des traitements disponibles. Face à un arsenal thérapeutique limité et au faible développement de nouveaux antibiotiques, l'optimisation des molécules encore efficaces devient une priorité absolue.

Bien que le groupe de travail multidisciplinaire sur les bactéries ai été créé depuis 2009, le score préoccupant de 1 sur 5 obtenu par le CTM4 lors de l'évaluation conjointe dernier, renforce l'urgence d'agir. Pour répondre à ce défi, les participants à cet atelier ont été répartis en trois groupes de travail chargés de planifier les activés prioritaires pour l’année 2025. Nous pouvons citer par exemple, l’établissement de la liste nationale des bactéries multirésistantes à surveiller prioritairement. Les documents préparés guideront à la mise en œuvre d’un plan de travail afin de préparer la révision du plan d’action national 3.0, 2021-2025.

Une approche "One Health" face à la menace de l'antibiorésistance

L'originalité de la démarche engagée à l’occasion de la réunion du GTT réside dans son approche globale intégrant les dimensions humaine, animale et environnementale de la santé. La participation de la sous-directrice de la protection des végétaux, du contrôle de la qualité au ministère de l’Agriculture, du chef du laboratoire vétérinaire de Bingerville du laboratoire d’appui au développement Agricole (LANADA) et du centre Ivoirien Antipollution (CIAPOL) au ministère de l’environnement, illustre bien cette approche intégrée. Elle a souligné l’importance d’une veille coordonnée des microorganismes dans tous les secteurs, à l’échelle nationale.

Si le secteur agricole ne s’est pas encore organisé pour la détection de bactéries multi-résistantes, il reste vigilant et lutte contre les pesticides obsolètes et à fonction antibactérien et fongicide afin de garantir la sécurité alimentaire, notamment la surveillance des maladies affectant des produits phares comme la mangue ou le manioc.

SOUS GROUPE ATELIER
Sous-groupe de travail lors de la réunion annuelle 2025 de GTT RAM sur la revue des progrès vers l’amélioration des scores de l’évaluation conjointe
 

Des mesures concrètes pour enrayer la progression de la résistance

La stratégie élaborée par le GTT s'articule autour de plusieurs axes complémentaires :
- le renforcement des capacités de diagnostic et de surveillance
- la promotion du bon usage des antibiotiques
- la consolidation du réseau national de laboratoires
- l’harmonisation des procédures d'identification des agents pathogènes
- la formation continue des professionnels de santé.

Le soutien financier du CDC GHSA (Global Health Security Agenda) a déjà permis d'obtenir des résultats tangibles dans différents domaines : résistance aux antimicrobiens, systèmes de laboratoire, biosécurité et transport des échantillons. La mise en œuvre de ces initiatives a également contribué à développer un réseau national de 11 laboratoires régionaux intégrés dans le système de santé, en plus du Laboratoire Central des antibiotiques (Centre national de référence) de l’Institut Pasteur de Côte d’Ivoire, qui abrite les 20 Centres Nationaux de Référence.

Une dynamique positive pour l’avenir de la santé publique ivoirienne

Les documents préparés lors de cette réunion guideront la rédaction définitive du plan d'action annuel, marquant une nouvelle étape dans la structuration de la lutte contre l'antibiorésistance en Côte d'Ivoire. L'expertise de l'Institut Pasteur de Côte d’Ivoire, combinée au soutien international et à l'implication des autorités nationales, crée un environnement favorable à la réussite de cette initiative ambitieuse.

La mobilisation des acteurs ivoiriens autour de cette problématique illustre la montée en puissance des capacités scientifiques africaines face aux défis sanitaires globaux. En mettant son expertise au service des populations ivoiriennes et de celles de l'Afrique de l'Ouest et du Centre, l'Institut Pasteur de Côte d'Ivoire réaffirme sa mission fondamentale : protéger la santé publique à travers l'excellence scientifique et l'innovation.

Pour en savoir plus : www.pasteur.ci


S. DENIS
© La Gazette du Laboratoire

 

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