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Variole du singe : caractérisation de la réponse immunitaire après une infection


En 2022-2023 une flambée de variole du singe due au virus monkeypox, appelé maintenant virus mpox (MPXV) a été responsable de 87 000 cas humains dans 170 pays[1]. La majorité des cas a été déclarée en dehors des zones habituelles de circulation du virus. Ce virus fait depuis l’objet d’une surveillance renforcée en Europe, près de 5000 cas ont été recensés en France[2]. Des scientifiques et cliniciens de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Inserm, du VRI et de l’AP-HP, ont étudié 470 sérums provenant d’individus vaccinés ou infectés par le virus MPXV, afin de comprendre les mécanismes impliqués et de définir des corrélats de protection contre l’infection ou la gravité de la maladie[3]. Ils ont ainsi déterminé la sensibilité de ce virus aux anticorps neutralisants et analysé la réponse immunitaire de ces individus, infectés par MPXV ou vaccinés. Cette étude a permis de mettre en évidence le rôle du complément4, composant du système immunitaire inné, dans cette réponse. Les résultats ont été publiés dans la revue Cell Host & Microbe, le 4 mai 2023.


En 2022-2023, une épidémie sans précédent de 87 000 cas de variole du singe est apparue dans des zones non endémiques ; Elle a touché des personnes sans lien direct avec un voyage en Afrique du Centre ou de l’Ouest, où le virus est présent historiquement. Le virus MPXV est transmis essentiellement par des rongeurs à l’homme, puis la transmission interhumaine se fait par des gouttelettes respiratoires ou contact rapproché. Les symptômes sont atténués par rapport à ceux de la variole humaine, et la létalité est plus faible. Selon Santé publique France, environ 5 000 cas d’infection à MPXV ont été recensés en France depuis mai 2022. Le MPXV circule toujours, à très bas bruit dans les zones non endémiques, c’est pourquoi il est important de mieux le caractériser et d’analyser la réponse immunitaire des personnes infectées par le virus ou vaccinées par IMVANEX, le vaccin actuellement disponible, de troisième génération, développé initialement contre la variole humaine.

Les équipes de recherche ont collaboré avec des cliniciens, des vaccinologues et des virologues de trois hôpitaux français (Hôpital Henri Mondor de Créteil, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière et Hôpital d’Orléans) pour réaliser ces travaux multidisciplinaires. Le grand nombre de sérums analysés a permis d’obtenir une puissance statistique, et d’affiner l’analyse sur des sous-groupes de patients selon différents critères, comme celui de l’âge par exemple.

Dans cette étude, publiée dans la revue Cell Host & Microbe, revue de référence sur les interactions entre microbes et système immunitaire, les scientifiques ont étudié la sensibilité du MPXV aux anticorps neutralisants (NAbs) générés après une infection par le virus et/ou une vaccination par IMVANEX. En effet, le vaccin IMVANEX a été utilisé comme prophylaxie pré et post-exposition dans les populations à haut risque, mais son efficacité reste mal caractérisée. Pour étudier cette sensibilité du virus, l’équipe de scientifiques a développé deux tests cellulaires pour la quantification des anticorps neutralisants en utilisant soit le virus atténué utilisé comme vaccin (MVA), soit une souche MPXV isolée chez un individu récemment infecté.

Cette étude a permis de mettre en évidence le rôle du complément[4], déjà connu pour d’autres poxvirus, et de décrire l’activité neutralisante des anticorps générés par l’infection ou la vaccination. Des niveaux robustes d’anticorps anti-MVA ont été détectés après une infection, une vaccination antivariolique historique, l’administration d’IMVANEX ou d’un autre vaccin candidat à base de MVA. MPXV est peu sensible à la neutralisation en l’absence de complément. L’ajout de complément issu de sérums améliore la détection par les individus qui ont des anticorps et augmente leur taux d’anticorps anti-MPXV. Quatre semaines après l’infection, des NAbs anti-MVA et -MPXV ont été observés chez 94 % et 82 % des individus, respectivement. Deux doses d’IMVANEX ont généré des NAbs anti-MVA et -MPXV détectables chez 92 % et 56 % des receveurs du vaccin, respectivement.

Le plus haut taux d’anticorps a été retrouvé chez les individus nés avant 1980 (donc vaccinés contre la variole) que ce soit après infection ou après administration d’IMVANEX, soulignant l’impact de la vaccination antivariolique historique sur les réponses immunitaires à l’infection ou à l’administration d’IMVANEX. Cela suggère qu’une sorte d’immunité hybride a été générée chez les individus infectés qui ont été vaccinés dans leur enfance. Le nombre d’infections au MPXV ne cesse d’augmenter depuis l’arrêt de la vaccination massive contre la variole dans les années 1980.

« Les tests de neutralisation sensibles développés dans le cadre de ces travaux peuvent aider à définir des corrélats de protection contre l’infection ou la gravité de la maladie. Ces tests peuvent également être utilisés pour des enquêtes épidémiologiques, l’évaluation de la durée de protection conférée par une infection antérieure ou par des vaccins autorisés et candidats, et pour l’analyse de toute intervention immunothérapeutique. Ces tests représentent des outils utiles pour comprendre les mécanismes de multiplication de MPXV, ses effets sur la santé publique, et optimiser la prise en charge des patients.» commente Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur, principal auteur de l’étude.

Pour en savoir plus : Variole du singe : caractérisation de la réponse immunitaire après une infection - Salle de presse de l'Inserm

[1] Chiffres OMS.
[2] Santé Publique France. Variole du singe (MPXV) : point de situation en France au 27 avril 2023.
[3] Cette étude a été soutenue par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, qui a fourni des échantillons pour la réalisation de ce travail.
[4] Le complément est un groupe de protéines présent dans le sérum, qui participe à la défense de l’organisme. Il est impliqué dans les mécanismes d’élimination des pathogènes. Les travaux du pasteurien Jules Bordet sur le rôle du complément et des anticorps sont récompensés par le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1919.

 

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