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Comment améliorer la couverture vaccinale contre les papillomavirus humains ?


De l’épidémiologie aux sciences sociales, l’Institut Pasteur travaille à adapter le programme de vaccination contre les virus HPV

L’Institut Pasteur a organisé du 4 au 8 octobre derniers la 17ème édition du Pasteurdon. Une opération d’appel aux dons essentielle pour le financement de ses travaux et une belle occasion par ailleurs de partager avec le public la qualité, la diversité et les avancées de la recherche menée au sein de l’Institut Pasteur. Nous nous intéressons aujourd’hui à l’un de ses domaines de recherche prioritaires : la vaccinologie, et plus précisément la vaccination contre les Papillomavirus humains.

Chaque année en France, 6 400 cancers sont attribués aux papillomavirus humains (HPV) et touchent aussi bien les femmes que les hommes. La vaccination est la seule protection à ce jour pouvant prévenir jusqu’à 90% des infections HPV à l’origine de cancers. Pourtant, la couverture vaccinale en France n’est pas optimale. Mais comment obtenir une forte adhésion à la vaccination contre les papillomavirus humains ? Entretien avec Judith MUELLER, chercheuse au sein de l’unité Epidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur…

La Gazette du Laboratoire (LGdL) : « Bonjour. Quelques mots tout d’abord pour rappeler qui peut être concerné par l’infection aux virus HPV ? »
Judith MUELLER (J. M.) : « L’infection aux virus HPV est quasi systématique chez les jeunes adultes, autant chez les femmes que les hommes. D’habitude spontanément éliminée après quelques mois ou années, elle devient « persistante » dans environ 10% des cas, et peut provoquer différents types de lésions pré-cancéreuses susceptibles d’évoluer au fil du temps en cancers. »


« Judith Mueller, chercheuse au sein de l’unité Epidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur ». © Institut Pasteur / François Gardy

LGdL : « Quel est l’objectif de vos travaux sur les virus HPV ? Quelles disciplines mettez-vous en œuvre ? »
J. M : « Nous travaillons dans le cadre du projet collaboratif PrevHPV à élaborer et évaluer des approches innovantes afin d’optimiser la prévention des infections aux papillomavirus humains. Ce projet est mené à l’initiative de l’Institut pour la Recherche en Santé Publique (IReSP) par un consortium d’équipes de recherche et de santé publique. Dans l’équipe coordonnée par l’Institut Pasteur, plusieurs disciplines comme l’épidémiologie, la psychologie sociale et l’économie du comportement sont mises à contribution pour identifier les solutions en faveur d’une prévention optimale des cancers liés au papillomavirus, notamment par l’augmentation de la couverture vaccinale chez les adolescents, de 11 à 14 ans. »

LGdL : « Quand a débuté le projet ? Quelles premières actions ont été lancées et résultats obtenus ? »
J. M. : « Le projet se découpe en trois phases. Il a démarré en janvier 2020 par une étape de diagnostic afin d’identifier les obstacles cognitifs à la construction d’un programme adapté. Ainsi dans différents collèges français ont été évalués les connaissances, les représentations, les attitudes, les leviers et barrières à la vaccination HPV. Les adolescents de 11 à 14 ans, leurs parents, les professionnels des collèges, les médecins généralistes et les étudiants en santé ont été interrogés par différentes méthodes : questionnaires en ligne, entretiens individuels ou en groupe…


« Particules de papillomavirus humain dans une cellule superficielle d’une lésion génitale (x130 000) ». © Odile Croissant, Institut Pasteur

 

Les principaux freins mis en évidence par ce travail sont une mauvaise connaissance des cancers induits par l’infection aux HPV et de la possibilité de se protéger par une vaccination. Mais aussi une perception négative de l’utilité et de la sécurité du vaccin, notamment chez une partie des adultes. Notre équipe a ainsi notamment testé l’impact des mots sur la décision de vaccination grâce à une méthode utilisée en économie du comportement. Il s’est par exemple avéré qu’utiliser le terme « insuffisant » pour qualifier la couverture vaccinale est contre-productif, car on ne se motive pas à accomplir une action si les autres ne le font pas. On constate donc que les mots peuvent être eux-mêmes des freins. Il est important d’employer les bonnes expressions ».

LGdL : « Quelle suite a été donnée à ces premières conclusions ? »
J. M. : « Ces données ont permis aux scientifiques d’enclencher la seconde phase du projet, celle de co-construction d’un programme d’intervention en faveur de la vaccination la plus pertinente, qui sera ensuite évaluée dans la dernière phase du projet PrevHPV sur le terrain. Ce programme comporte plusieurs composantes : organiser des séances d’information dans les collèges avec des outils auxquels les parents aussi ont accès, réaliser une campagne vaccinale au sein des collèges et mettre à disposition des médecins généralistes des outils d’information, de formation et d’aide à la prise de décision. Pour chacune des composantes, des groupes de travail ont été mis en place pour développer et ajuster les outils et les dispositifs aux populations visées.

Le programme d’intervention a ensuite été évalué en vie réelle grâce aux méthodes de la recherche interventionnelle. Comme dans une expérience en laboratoire, nous avons établi des plans expérimentaux afin d’évaluer l’effet des composantes seules ou en association sur le taux de couverture vaccinale des adolescents parmi les 61 collèges volontaires, dans huit régions en France métropolitaine. Au sein de chaque collège, nous avons mis en œuvre les actions correspondant au plan expérimental, avec un groupe de collèges témoins n’ayant pas du tout bénéficié d’intervention.

A l’Institut Pasteur, on s’est chargé d’évaluer l’impact du programme sur les connaissances, attitudes et pratiques relatives au vaccin. Ces données, recueillies grâce à des questionnaires individuels, permettront aussi d’étudier si les effets sont repartis de façon égale dans la population, ou s’il y a une graduation par exemple par le niveau de diplôme des parents. A cette fin, en croisant les disciplines et les expériences, nous avons mis au point les outils les plus efficaces et adaptés pour ce type d’expérimentation. Développés pour PrevHPV, ces questionnaires nous ont aussi aidés à rapidement évaluer, en 2021, les facteurs de l’adhésion des professionnels de santé à la vaccination contre la COVID-19. »

LGdL : « De la recherche à la santé publique, quels sont les prochains objectifs de votre projet ? »
« Les résultats de cette phase expérimentale sont en cours d’analyse et seront cruciaux pour ajuster le programme pour un déploiement national. D’autant plus que depuis la rentrée 2023, la vaccination gratuite et non obligatoire contre les HPV est généralisée pour les élèves de 5ème à la suite d’une décision présidentielle.

La vaccination contre les HPV est sûre et permet de prévenir jusqu’à 90 % des infections HPV à l’origine de divers cancers, et plus de 80% des cancers du col d’utérus. Face à ces bénéfices, avec 47,8 % de couverture vaccinale chez les filles de 15 ans et 12,8 % chez les garçons en 2022, la France est en retard par rapport à d’autres pays comme le Royaume-Uni ou l’Australie et n’atteint pas encore les objectifs fixés par la Stratégie nationale de santé sexuelle et le plan Cancer : 60 % chez les adolescentes âgées de 11 à 19 ans en 2023 et 80 % à l’horizon 2030.

Pour éviter les infections aux HPV oncogènes et éliminer les cancers liés à celles-ci, il est crucial d’optimiser la couverture vaccinale au sein des jeunes tranches d’âge, aussi bien chez les filles que chez les garçons. Augmenter la couverture vaccinale est une bataille à mener à laquelle les chercheurs de l’Institut Pasteur prennent part en tant qu’acteurs de la recherche en santé publique. Contribuer à doter la société des bonnes armes contre des infections aussi bien sur le plan médical que sociétal, fait partie des missions de l’Institut Pasteur ! »

Pour en savoir plus :
https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/cancer-du-col-uterus-papillomavirus


S. D.

 

 

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