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EPOPé, une équipe de recherche en d’épidémiologie périnatale : Exemples des études Premex et PrediMAP pour améliorer la prise en charge périnatale dans le domaine de la prématurité


EPOPé est une équipe de recherche mixte de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et de l’université Paris Cité appartenant au Centre de Recherche Épidémiologie et Statistique Sorbonne Paris Cité (CRESS, INSERM U1153) et membre de la FHU PREMA. Ses recherches portent sur la santé des femmes pendant la grossesse et ses suites, la santé des enfants liée au contexte de la naissance et la santé des enfants en pédiatrie courante, en France et au niveau international. L’équipe a trois principaux objectifs :

- Evaluer les pratiques et les politiques de santé, ainsi que leur mise en application dans la population,
- Identifier les déterminants des complications périnatales chez la mère et l’enfant,
- Étudier l’influence d’événements de la période périnatale (expositions prénatales, naissance prématurée, malformations …) sur la santé et le développement à long terme de l’enfant, et sur la santé et les conditions de vie des femmes et des familles.

L’équipe d’EPIPAGE2 qui communique sur les principaux résultats lors d’une conférence de presse à l’INSERM Crédit : François Goffinet
L’équipe d’EPIPAGE2 qui communique sur les principaux résultats lors d’une conférence de presse à l’INSERM       Crédit : François Goffinet
 

Composée de 90 personnes, elle réalise notamment des travaux de recherche sur les enfants nés « extrêmes-prématurés », la prématurité constituant la première cause de mortalité infantile. En effet, selon l’Unicef, un bébé né prématuré décède toutes les 4 secondes dans le monde.

François Goffinet est Professeur des Universités de Gynécologie Obstétrique et Chef de service de la Maternité Port-Royal. Le Professeur Goffinet a obtenu le Prix Bettencourt Coups d’élan pour la recherche française en 2010, ce qui a permis la création d’un centre de recherche au sein même de la nouvelle maternité de Port-Royal, au plus proche des patients. A cette époque, le Pr Goffinet et la Maternité ont sollicité la Fondation Françoise Bettencourt pour financer l’installation de l’unité de recherche mixte INSERM U953 , soit 250 000 euros pour développer la recherche périnatale, au 6ème étage du bâtiment. Les questions de recherche de cette unité portent sur la santé périnatale, la santé de l’enfant et les pratiques. L’aspect sociétal de ces questions, le choix de la patiente, la satisfaction de celle-ci sont également des questions étudiées au sein de cette équipe. Pendant plusieurs années, Le Pr Goffinet a dirigé l’unité INSERM U953 avant de passer le relais au Pr Pierre-Yves Ancel, directeur actuel de l’équipe dorénavant intitulée EPOPé.

Workshop de l’équipe EPOPé sur les projets scientifiques avec le Pr Kramer de Montréal  Crédit : François Goffinet
Workshop de l’équipe EPOPé sur les projets scientifiques avec le Pr Kramer de Montréal   Crédit : François Goffinet

Deux études d’envergure en cours sur la question de la prématurité

En France, le taux de survie en sortie d’hôpital des enfants extrêmes-prématurés est de 10% à 50% inférieur en comparaison à celui de nombreux pays occidentaux comme les Etats-Unis, la Grande Bretagne, le Japon, l’Australie ou encore la Suède. Comment comprendre et étudier ce phénomène, et comment remédier à cette situation ?

L’étude Premex, toujours en cours, est une étude interventionnelle visant à améliorer la survie sans handicap des enfants nés extrêmes prématurés en France, c’est-à-dire nés avant 6 mois de grossesse et souvent pesant entre 500 et 800 grs à la naissance.
Les décisions de prise en charge de ces enfants sont difficiles car les risques de décès ou de handicap sont élevés et certains soignants préfèrent ne pas réanimer les enfants dans certains cas.
Nous avons montré à l’aide d’une cohorte nationale que nous avons mis en place en 2011 l’extrême variabilité selon les centres et les régions dans les pratiques de prise en charge des enfants nés extrêmes prématurés. Ainsi, les taux de prise en charge anténatale intensive de ces enfants varient de 22% à  61% selon la région. Cette variabilité est expliquée par l’absence de consensus et de processus décisionnels formalisés, en raison d’habitudes locales ou individuelles des cliniciens. Constat : il n’y a pas la même gestion en France de la survie sans séquelles des extrêmes prématurés que dans d’autres pays.
Depuis 10 ans à la Maternité de Port-Royal, un protocole de soins a été établi pour mieux évoluer dans la prise en charge du prématuré à naître, et pour mieux évaluer le pronostic des extrêmes prématurés. Il s’agit de mieux informer les parents pour une bonne décision et une meilleure prise en charge. C’est cette nouvelle organisation des soins que Premex propose de tester. Il s’agit d’une étude randomisée en Cluster débutée en juin 2022. 25 réseaux périnatals regroupant 288 maternités participent. Un tirage au sort tous les 3 mois de 5 nouveaux réseaux qui testent cette nouvelle organisation des soins est réalisé ce qui permettre de comparer la survie sans handicap pendant les périodes avec une prise en charge habituelle aux périodes avec la nouvelle organisation des soins ..

Cette nouvelle organisation des soins consiste à adopter de nouveaux processus. Lorsqu’une femme enceinte arrive en urgence avec un risque d’extrême prématuré, il faut anticiper pour pronostiquer l’état de santé de l’enfant s’il venait à naître dans les jours suivants, informer les parents des possibilités éventuelles. Une réunion de concertation avec plusieurs pédiatres, obstétriciens, a lieu pour prendre la mesure du dossier afin de donner un avis collectif et consensuel sur la prise en charge. Ce dispositif a pour objectif de faciliter une prise en charge intensive de l’enfant si son pronostic est favorable, d’augmenter la survie des extrêmes prématurés et de baisser le risque de handicap. Soutenue par les usagers et les associations (SOS Prématurité), la mise en place dans toute la France de cette standardisation de la prise en charge des extrêmes prématurés, de l’hospitalisation à la naissance, permettrait d’améliorer la survie sans morbidité sévère auprès de cette population à très haut risque.

Les résultats sont attendus en 2025, pour une inclusion de 2 000 extrêmes prématurés nés avant 5 mois et demi de grossesse et pesant de 400 à 700 grammes à la naissance. Le financement de cette étude PHRC au national (appel offre santé ministère santé) se fait avec un budget de 1,3 millions d’euros prévus pour la durée de l’étude.

Séminaire scientifique de l’ensemble de l’équipe EPOPé sur 2 jours à Moussy Crédit : François Goffinet
Séminaire scientifique de l’ensemble de l’équipe EPOPé sur 2 jours à Moussy     Crédit : François Goffinet

L’étude PrediMAP, en cours, se penche sur des technologies scientifiques plus avancées pour prédire un accouchement prématuré. En effet, il a été constaté que parmi les femmes hospitalisées en menace d’accouchement prématuré (MAP) (contractions utérines et ouverture et raccourcissement du col de l’utérus avant 8 mois de grossesse) , seulement 5 à 10 % accouchaient dans les 7 jours suivant leur hospitalisation , plus de la moitié de ces femmes hospitalisées finalement accouchent à terme et sont hospitalisées inutilement. Ces hospitalisations entraînent des conséquences multiples : effets psychosociaux néfastes sur les femmes et leur famille, transferts inutiles vers une autre maternité, administration inutile de médicaments etc.  L’objectif du projet prediMAP est le développement et l’évaluation clinique d’un nouveau dispositif médical de diagnostic in vitro innovant au lit du malade (donc aux urgences avec résultat immédiat) pour prédire le risque d’accouchement dans les 7 jours qui suivent la venue d’une femme aux urgences obstétricales pour des CU ou une modification du col. Le but est d’éviter des hospitalisations inutiles et a contrario hospitaliser les femmes qui ont un risque élevé d’accouchement prématuré spontané afin de leur administrer les traitements bénéfiques.

Historiquement, l’Institut COCHIN (CNRS-inserm-Université Paris Cité) travaille depuis longtemps sur la parturition, le mécanisme de mise au travail de la femme qui accouche, qui demeure encore un mystère. Céline Méhats directrice de recherche à l’institut Cochin, est responsable d’une équipe qui travaille à la meilleure compréhension des mécanismes qui entrainent la mise en travail des femmes. L’équipe du Pr Goffinet collabore avec eux de manière translationnelle depuis 12 ans sur ce sujet, et de nombreuses femmes enceintes ont participé à ce projet en donnant des échantillons placentaires, du sang de cordon ou des sécrétions vaginales. Les chercheurs ont identifié des biomarqueurs situés à l’interface de la membrane de l’utérus et la membrane du fœtus. Certaines molécules, identifiables dans les sécrétions vaginales de la femme, sont devenues des biomarqueurs (brevetés) pour prédire la mise en travail entre 7 et 14 jours après le prélèvement. Cependant, avant de translater ces résultats scientifiques dans la pratique quotidienne pour le bénéfice des femmes enceintes, des difficultés subsistent, car ces biomarqueurs doivent être mesurés par immuno-PCR complexe (envoi au laboratoire et résultats sous deux jours, ce qui est trop long). Utilisés conjointement avec les autres informations médicales (échographies et données cliniques), ces biomarqueurs pourraient améliorer la prédiction de l'accouchement prématuré chez les femmes présentant une MAP.
Avec l’équipe EPOPé, la Maternité de Port-Royal et la PME BFORCURE, les scientifiques ont répondu à un appel d’offre RHU (Recherche Hospitalo-Universitaire) et ont obtenu 4,8 millions d’euros pour le développement, dans les 5 ans, d’un appareil basé sur un algorithme développé à partir des données de ces biomarqueurs, après un prélèvement réalisé aux urgences par les sages femmes et gynécologues. Le résultat revient en une demi-heure pour une meilleure prédiction du prochain accouchement et pour l’hospitalisation des femmes qui en ont vraiment besoin. L’étude prendra fin en 2026 avec la publication des premiers résultats sur le suivi de 3 600 femmes en trois cohortes successives réalisées au sein des Maternités Port royal, Louis Mourier de Colombes, St Joseph, Trousseau et Bichat.

Considéré comme important dans les années 1990, la recherche en périnatalité a ensuite été délaissée. Il est important que la prise en charge périnatale redevienne aujourd’hui un axe prioritaire de recherche si l’on souhaite améliorer la santé périnatale et maternelle dans notre pays. Dans cette optique, l’unité EPOPé et l’équipe du Pr Goffinet poursuivent leurs recherches, notamment à travers les deux études en cours, pour faire progresser la recherche périnatale…

A côté de la problématique de la recherche en périnatalité en France, la prise en charge des femmes enceintes fait face à des défis importants dans l’avenir. Au sein de la maternité de Port-Royal, 300 personnes, dont une douzaine de médecins à temps plein et 80 sages femmes, travaillent à la prise en charge des femmes enceintes pour le suivi de leur grossesse et de leur accouchement. Cette maternité universitaire est privilégiée car Force est de constater que de nombreuses maternités ferment ou fonctionnent difficilement - il n’y a pas assez de personnel, pour des raisons financières, mais aussi parce que les obstétriciens et sages femmes ne veulent plus travailler à l’hopital, où les niveaux de salaire ne sont pas à la hauteur de la charge de travail. Cette situation de sous-effectifs et parfois de sous-qualification des équipes engendre un risque d’accidents dans certaines maternités surchargées ou menacées de fermeture. La mission du service public en souffre et le risque est d’aller vers un système « à l’américaine » où tout devient privé et payant. Il y a donc urgence à redonner des moyens et de l’attractivité au service public !

Pour en savoir plus : www.epopé-inserm.fr

M. HASLÉ

 

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