IMMUNORARE5, le projet de recherche qui rassemble hôpitaux, industriels et associations autour de la prise en charge des cancers rares.
Depuis 15 ans, l’immunothérapie révolutionne le traitement des cancers les plus fréquents. L’efficacité des thérapies est démontrée par de nombreux essais cliniques, ce qui facilite leur intégration dans le parcours de soin. En revanche, le manque de données pour les cancers rares empêche l’accès aux nouvelles solutions, créant ainsi des inégalités de soin, que le programme IMMUNORARE5 cherche à supprimer !
IMMUNORARE5 est un programme national coordonné par les Hospices Civils de Lyon (HCL), conduit dans 15 centres répartis sur le territoire national, et qui inclut environ 130 patients qui vont bénéficier d’une double immunothérapie innovante : domvanalimab et zimberelimab. L'objectif principal est d'évaluer l'efficacité et la tolérance de ce traitement chez des malades atteints de 5 types de cancers rares.
5 cancers rares en étude
Les 5 cancers rares du projet, pour lesquels des centres de référence sont localisés aux HC, ont été choisis à cause du manque d'options thérapeutiques validées, à la suite d’échecs de traitement de première intention :
1) Mésothéliome péritonéal. Lorsque ces maladies ne sont pas ou plus éligibles à une chirurgie de résection complète, la prise en charge standard repose sur la chimiothérapie, aux chances d’efficacité modestes. Les malades recrutés pour le programme ont tous été exposés à la chimiothérapie de référence.
2) Maladie trophoblastique gestationnelle. Les tumeurs trophoblastiques gestationnelles sont des maladies cancéreuses développées dans le placenta à l'occasion d'une grossesse. La prise en charge repose sur l'administration d'une ou plusieurs chimiothérapies bien identifiées. Pour l’étude, les patientes recrutées ont une maladie ayant résisté à une polychimiothérapie.
3) Cancer du thymus. Les formes les plus agressives des tumeurs épithéliales thymiques sont de type B3 et le carcinome thymique. Présentes souvent au stade métastatique, elles entraînent un pronostic sombre, les traitements chimiothérapiques étant globalement peu efficaces. Les patients admissibles à IMMUNORARE5 présentent l’une de ces deux formes, et sont résistants à au moins un traitement de chimiothérapie.
4) Cancer anaplasique de la thyroïde. Le traitement standard des carcinomes anaplasiques repose sur l’association chimiothérapie-radiothérapie. Récemment, l’utilisation de thérapies ciblées anti-BRAF, en cas d’identification de la mutation, est proposée en première ligne. L’essai inclut alors des maladies non contrôlées par la radiochimiothérapie en l’absence de mutation BRAF, ou par la thérapie ciblée en présence de mutation.
5) Tumeur neuroendocrine. Le projet de recherche est ouvert aux patients avec une tumeur neuroendocrine bien différenciée digestive, thoracique ou de primitif inconnu, en progression après une première ligne de traitement, et avec une indication de chimiothérapie à base d’oxaliplatine.
Des équipes soudées et soutenues
Le programme repose sur la coopération de plusieurs équipes et partenaires aux forces complémentaires.
→ Quinze centres médicaux français, issus de centres hospitaliers universitaires ou de centres de lutte contre le cancer participent à l’essai. Sont présents l’Institut Gustave Roussy, l’AP-HP Hôpital Tenon, l’Institut Curie, le Centre Hospitalier Universitaire de Lille, l’Institut Bergonié Bordeaux, l’IUCT-Oncopole Toulouse, l’Institut de Cancérologie de l’Ouest, l’AP-HM Hôpital TIMONE, l’Institut Paoli-Calmettes Marseille, le Centre Eugène Marquis Rennes, l’Institut Régional du Cancer de Montpellier, et l’Institut de Cancérologie Strasbourg Europe.
→ Les centres nationaux de référence pour la prise en charge de cancers rares sont labellisés par l'Institut National du Cancer (INCa) ou les réseaux européens de référence (ERN), dans lesquelles les équipes HCL sont impliquées. Les équipes médicales – expertes des cancers spécifiques aux cinq cohortes de l’essai – ont non seulement les connaissances et l'expérience pour prendre en charge les malades, mais également des contacts avec les réseaux nationaux pour garantir l’accès au programme aux patients de tout le territoire national.
→ Les HCL sont dotés d’une structure dédiée aux phases précoces en cancérologie, nommée EPSILYON (Early Phase Studies in Lyon), labellisée pour la 4ème fois par l’INCa. Celle-ci a l’expertise nécessaire au montage complet d’essais de phase précoce les plus complexes, allant de la construction d'un rationnel scientifique et la recherche de financement, à l’écriture de protocoles et la soumission aux autorités de santé, en passant par le suivi du traitement et l’ajustement des doses, ou encore la collecte des données et l’analyse des résultats.
→ Une équipe de coordination est déployée pour assurer le bon déroulement d’IMMUNORARE5 dans les 15 centres participants, ainsi que la prise en charge de l’analyse des données. Elle est composée de l’ensemble du personnel en charge de la gestion de l’essai clinique : chef-fe-s de projets, attaché-e-s de recherche clinique, pharmacien-ne-s responsables de la pharmacovigilance, pharmacien coordinateur, datamanagers, méthodologistes, biostatisticien-ne-s, gestionnaires financiers...
→ Un partenariat industriel avec le laboratoire Gilead assure le financement de l'essai clinique, ainsi que l’approvisionnement de la double immunothérapie.
→ Enfin, le programme est soutenu par les associations de patients de lutte contre le cancer (comme la Ligue contre le cancer) et les associations caritatives (comme Rotary International), permettant le financement de programmes de recherche complémentaires.
Meeting Immunorare ©HCL
Méthodologie et critères d’efficacité
Un grand registre informatisé, appelé « cahier d’observation électronique », a été développé pour permettre la collecte des données médicales de l’étude dans les 15 hôpitaux français participants. IMMUNORARE5 prévoit de collecter des échantillons de tumeur, de sang, de salive, et de selles, afin d'identifier des biomarqueurs d'efficacité, ou d'absence d'efficacité, de la double immunothérapie en étude, après 6 mois de traitement. Ces biomarqueurs ont pour objectif de mieux sélectionner les patients éligibles aux différentes cohortes. Toutes les données sont centralisées aux HCL, puis analysées par les équipes de recherche clinique.
S’agissant de différents cancers rares, la façon d'évaluer le critère d’efficacité est spécifique à chacune des cohortes. Par exemple dans la cohorte 1, pour le mésothéliome péritonéal, l'essai clinique sera considéré comme positif si plus de 60% des patients n'ont pas d'aggravation du cancer sur le plan radiologique ou clinique. Pour la cohorte 2, concernant la maladie trophoblastique gestationnelle, l'essai clinique sera évalué comme positif si plus de 60 % des patientes ont une normalisation du taux sanguin de l'hormone hCG (qui témoigne de la présence de la maladie). Pour les patients de la cohorte 4, atteints de cancers de la thyroïde anaplasique, l'essai clinique sera révélé comme positif si plus de 50 % des patients sont encore en vie après six mois de traitement.
Résultats attendus
Les résultats directs attendus portent sur l'évaluation de l'efficacité de la double immunothérapie, domvanalimab et zimberelimab, chez les patients atteints de ces 5 cancers rares. En cas de résultat positif, des stratégies ultérieures d'accès à ce traitement seront développées afin de faire bénéficier le plus grand nombre de patients.
Les résultats indirects portent également sur la visibilité et l'attractivité de la France sur la scène internationale pour la mise en œuvre de programmes ambitieux nationaux de développement du médicament, et pour des programmes de recherche biologique autour des biomarqueurs. Grâce au Plan Décennal de lutte contre le cancer – dans lequel IMMUNORARE5 s’inscrit (axes 3 et 4) –, la France acquiert un leadership dans l'expertise des cancers rares, que le projet compte bien contribuer à maintenir !
Enfin, les parties prenantes de ce projet d’envergure espèrent que le travail fourni attirera l'attention des industriels du médicament et de la communauté scientifique, sur la nécessité de développer conjointement des programmes de recherche clinique et de développement du médicament au bénéfice des patients atteints de cancers rares, et ainsi supprimer les inégalités de soin existantes.
Un exemple moderne de collaboration publique-privée !
Les HCL ont déjà démontré le très grand potentiel des collaborations entre secteurs publics et-privés, d’intérêt certain pour les deux parties, à travers le montage d’essais cliniques académiques soutenus, et parfois co- conçus, avec l’industriel. Ces programmes de collaboration mixte sont donnant-donnant et s’appuient sur les forces de chacun, pour au final, améliorer la prise en charge des malades.
D’un côté, l'industrie pharmaceutique confie le montage et la conduite de programmes de recherche spécialisés à une équipe académique qui en a les compétences, et fournit le financement et les médicaments, sans avoir besoin de financer des équipes internes spécifiquement dédiées. En cas de résultat positif, elle peut ensuite développer un programme d'accès aux médicaments aux populations, et donc bénéficier de retours, en termes de visibilité et de gains financiers. De l'autre côté, l'équipe académique a la possibilité de développer des programmes de recherche clinique adaptés aux besoins des patients sur le terrain, de manière libre et indépendante. Elle peut ainsi, en tant que CHU, remplir pleinement ses fonctions de service public, avec une accessibilité au plus grand nombre.
C’est dans ce cadre qu’IMMUNORARE5 réussit à rassembler et à mobiliser toutes les expertises complémentaires de plus haut niveau, en faveur d’une cause commune, noble et si importante : celle de rendre accessible les dernières innovations thérapeutiques aux cancers rares !
Pour en savoir plus :
IMMUNORARE5
Laure BELLEGOU,
laure.bellegou@chu-lyon.fr.
https://recherche.chu-lyon.fr/immunorare5
J S. Lopes
© La Gazette du Laboratoire