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La gazette DIAG & SANTÉ / PATHOLOGIES / Maladies rares

 

Des acteurs unis pour faire avancer la recherche sur l’obésité – Zoom sur le réseau FORCE


Le réseau FORCE (French Obesity Research Centre of Excellence) est le réseau national de recherche clinique spécialisé dans la nutrition, les obésités et maladies métaboliques associées. Il est labellisé réseau d’excellence F-CRIN depuis 2014. FORCE associe des scientifiques français ayant une expertise dans les domaines de la nutrition et de l’obésité (chercheurs, médecins), qui, ensemble, constituent une organisation collaborative nationale forte, dont le but est de développer la recherche clinique et d’améliorer ainsi le diagnostic, la prise en charge et les stratégies préventives et thérapeutiques des obésités et des pathologies associées.

Selon l’enquête Obepi 2020, 17% des Françaises et Français sont en situation d’obésité (Indice de Masse Corporelle ≥ 30 kg/m2 , enquête déclarative), soit près de 8,5 millions de personnes, dont 2% en situation d’obésité massive (IMC ≥ 40 kg/m2 ), un chiffre qui a quasiment doublé en 8 ans. Alors que les femmes sont toujours plus touchées que les hommes, on observe que le pourcentage d’hommes atteints d’obésité massive a été multiplié par trois en 8 ans. Actuellement, une grande partie de la prise en charge consiste à préconiser des changements de mode de vie et à accompagner le patient dans ces changements (alimentation, activité physique, sommeil, soutien psychologique).

2022 verra sans doute une révolution dans le traitement de l’obésité en France, avec l’arrivée de nouveaux médicaments, à la fois pour les obésités génétiques rares et les obésités communes.
Ces nouveaux médicaments ont démontré leur efficacité au cours d’essais cliniques internationaux, auxquels ont participé les centres français de FORCE, et ont reçu les agréments des agences de santé. Ils viennent compléter les prises en charge existantes, dont la chirurgie bariatrique, en cas d’échec des autres prises en charge.

@MartineLavilleEchange avec le Pr Martine Laville, coordinatrice du réseau FORCE

Estelle Bouillard, La Gazette du LABORATOIRE (EB) : « Bonjour, et merci à vous de nous accorder du temps pour vous présenter, ainsi que le réseau FORCE, son histoire et ses projets pour les années à venir »

Pr Martine Laville (ML) : « Je suis médecin chercheur spécialiste en nutrition et diabète , responsable du centre spécialisé et intégré de l’obésité des Hospices Civils de Lyon et coordinatrice du réseau FORCE. Le réseau FORCE a été créé en 2014, suite à un appel d’offre du réseau F-CRIN pour le développement de la recherche clinique dans différentes pathologies..  Pour répondre à cet appel à projet, nous avons travaillé en collaboration notamment avec le Pr Karine Clément, le Pr Patrick Ritz ou encore le Pr Dominique Langin pour créer un réseau de recherche clinique sur l’obésité.
Le contexte français est très particulier, car nous avons une recherche fondamentale excellente dans le domaine de l’obésité inclu    ant des avancées dans le développement du tissu adipeux, dans le rôle de  la génétique ou du microbiote etc.. Recherche animée notamment par l’AFERO (Association Française d’Etude et de Recherche sur l’Obésité). Nous avons également une très bonne recherche clinique en nutrition – j’ai dirigé pendant des années le Centre de Recherche en Nutrition Humaine de Lyon, devenu Rhône alpes, avec une recherche clinique spécifique permettant de valider chez l’hommes les avancées obtenues dans la recherche expérimentale obtenue chez l’animal.
Pour bâtir le projet de réseau FORCE , nous sommes partis de ce savoir faire en recherche fondamentale et clinique, mais à l’époque avec très peu de recherche pharmacologique, puisque nous avions très peu de molécules thérapeutiques, une particularité par rapport à d’autres réseaux F-CRIN. Nous étions davantage sur des projets de recherche cognitive ou translationnelle pour mieux comprendre et faire émerger des nouvelles thérapies. »

EB : « Depuis 2014, quels ont été les axes de progrès réalisés dans la prise en charge de l’obésité ? »
ML : « En parallèle des projets de recherche, il y a eu une énorme organisation des soins, avec la création des centres spécialisés de l’obésité et des centres intégrés de l’obésité affiliés au réseau FORCE, avec un fort potentiel d’accès à la recherche clinique. La chirurgie bariatrique a également été développée, avec de nombreux programmes de recherche clinique pour étudier à la fois l’efficacité et la tolérance des différents types d’intervention. On a assisté à une révolution médicale et chirurgicale autour de la prise en charge de l’obésité ces derniers années. Cette nouvelle organisation permet aussi d’optimiser le potentiel de recherche clinique.

La médecine de l’obésité nécessite de s’intéresser  à l’individu dans sa globalité : humeur, mode de vie, physiologie etc… il reste souvent compliqué de faire reconnaître l’obésité comme une maladie à part entière bien que L’OMS (Organisation Mondiale pour la Santé) puis La France ont reconnu qu’il s’agit d’ une maladie chronique, dont la gravité a bien été mise en évidence lors de l’épidémie de Covid 19. Cependant la question de la prise en charge des soins pour les patients obèses subsiste. À ce jour, les actes de diététique, de psychologie clinique, ou d’activité physique adaptée, réalisés en dehors de l’hôpital, ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie. »

EB : «  Et aujourd’hui ? »
ML : « C’est ENFIN l’arrivée de médicaments, de molécules actives pour la prise en charge de la maladie. Le réseau FORCE va accompagner la stratégie de prise en charge des patients autour de trois grands axes : les modifications du mode de vie (sommeil, alimentation, activité physique, etc…), les médicaments et le recours éventuel à la chirurgie. Toutes ces possibilités offrent aux chercheurs de nombreux axes de recherche, afin de définir la meilleure stratégie à offrir à chaque patient.
En  parallèle nous nous battons toujours pour une meilleure prise en charge de la maladie – qui, ne l’oublions pas, est vectrice de nombreuses comorbidités. L’idée serait de créer des « paniers » de soins, alliant en fonction des besoins le conseil nutritionnel, l’activité physique et les thérapeutiques adaptées pour accompagner le patient. Aujourd’hui, le pire schéma, c’est d’avoir des patients qui pèsent 200kg mais n’ont pas de diabète et se retrouvent donc sans prise en charge de leur maladie…
La HAS (Haute Autorité de Santé) vient d’autoriser un nouveau traitement le Setmélanotide dédié aux adultes et aux enfants âgés de 6 ans et plus, souffrant d’obésité génétique et précoce, suite aux recherches menées depuis de nombreuses années par l’équipe du Pr Karine Clément. Dès la fin des années 90, le Pr Karine Clément et ses collaborateurs (Sorbonne Université, INSERM, APHP) ont identifié des patients souffrant d’obésité génétique par dysfonctionnement de la voie leptine/melanocortine dans l’hypothalamus, une voie absolument clé pour le contrôle de la prise alimentaire. Ces patients, aujourd’hui suivis par le Centre référence PRADORT (Pr Christine Poitou, service du Nutrition, Pitié-Salpêtrière) ont ainsi pu participer aux essais cliniques (phase II et III) d’une nouvelle molécule. Ces essais démontrent l’intérêt du Setmélanotide dans le contrôle de l’hyperphagie (impulsivité alimentaire) et la perte de poids ainsi que sur l’amélioration de la qualité de vie chez les patients adultes. D’autres essais cliniques ont été menés par le Pr Béatrice Dubern à l’hôpital Trousseau chez les enfants.  
Nous sommes dans l’attente de nouvelles thérapies dans les années à venir – tout l’enjeu sera de définir la bonne stratégie de prise en charge dans la gradation des soins. Le réseau FORCE jouera un rôle dans ces nouvelles recommandations via ces nouveaux essais. A terme, l’objectif est de proposer une véritable médecine personnalisée – en tant que médecin de l’obésité nous disons souvent qu’il n’y a pas une obésité, mais des obésités en fonction de l’individu. Et l’objectif, est de pouvoir proposer à chacun au bon moment, le bon traitement  qui lui est adapté. On en revient toujours à la nécessité de prendre en compte la complexité de cette maladie, du fait du nombre de déterminants : âge, sommeil, activité physique, humeur, alimentation etc…
L’un des freins m    ajeurs à ce jour pour une bonne prise en charge des patients est également le manque de médecins spécialistes. Nous avons un DES endocrinologie, diabétologie et nutrition. Il nous faut une augmentation du nombre d’internes, afin d’avoir aussi des médecins libéraux pour répondre au quotidien aux besoins des patients. »

EB : « La journée Mondiale de l’obésité a lieu le 4 Mars, comment la soutenez-vous ? »
ML : « Il est important de noter que ce sont les associations de patients qui sont à l’origine de cette journée mondiale. Le corps médical soutient leurs actions via de la communication et une collaboration étroite avec les associations. Les Centres Spécialisés en Obésité vont également organiser des stands, conférences, rencontres pour améliorer la connaissance de la maladie. En parallèle de cette journée, nous organisons régulièrement des formations, des rencontres entre patients et professionnels ».

EB : « Merci pour votre éclairage »

Equipe du réseau FORCE
Equipe du réseau FORCE   @Obedis

L’année 2022 clôt la feuille de route Obésité débutée en 2019 et marque un tournant, avec des avancées majeures à la fois dans la prévention et le traitement de l’obésité. On sait que l’obésité est souvent accompagnée d’autres pathologies : diabète, maladies cardio-vasculaires, maladies respiratoires, maladies rénales et plusieurs types de cancer…
Pour changer radicalement la situation, il est indispensable d’avoir une meilleure prise en charge et un accès aux soins facilité pour cette maladie grave. Il est donc primordial de pouvoir mettre en pratique dans un avenir proche les recommandations de la HAS, qui seront prochainement publiées, sur les parcours de soins. L’accès à des parcours de soins structurés et gradués, remboursés par l’assurance maladie, est une priorité pour les formes sévères d’obésité, et aussi pour les formes communes, dans un cadre qui reste à préciser.

Il est plus que jamais essentiel de faire de la recherche sur les stratégies thérapeutiques dans l’obésité,  une priorité ! De nombreuses avancées sont à venir pour la prise en charge de cette maladie.

Pour en savoir plus : Accueil | FORCE - French Obesity Research Centre of Excellence (force-obesity.org)
Contact : Pr Martine LAVILLE 0478863994 ou martine.laville@chu-lyon.fr

E.BOUILLARD

 

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