Retrouvez dans nos brèves les actualités liées aux laboratoires et aux acteurs du monde des sciences


 

2021-03-03 
Diagnostiquer la résistance aux antibiotiques grâce à l’intelligence artificielle

Coordonnés par la Fondation MSF, des chercheurs et des ingénieurs de l’Université d’Évry, du CEA, du CNRS, de Médecins Sans Frontières, du service de bactériologie et virologie de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP ont développé une application mobile capable de faciliter le diagnostic de l’antibiorésistance enjeu majeur de santé publique.

Cette application sera utilisable gratuitement partout dans le monde par les personnels de santé après sa validation clinique et l’obtention de la certification CE. Les résultats démontrant la faisabilité technique d’une telle application font l’objet d’une publication dans la revue Nature Communications, le 19 février 2021.
 

 
La résistance aux antibiotiques est une menace majeure pour la santé mondiale.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) pointe la résistance croissante de micro-organismes aux antibiotiques comme l’un des grands défis sanitaires du XXIe siècle. L’antibiorésistance pourrait devenir la première cause de mortalité au monde devant les cancers et causer alors 10 millions de morts par an, dont près de 90 % en Asie et en Afrique, faute de moyens. L’utilisation raisonnée des antibiotiques est donc primordiale et nécessite pour cela une évaluation robuste de la sensibilité des bactéries aux antibiotiques. MSF s’est engagée depuis plusieurs années dans la lutte contre l’antibiorésistance, principalement dans les pays en conflit où MSF reçoit des blessés de guerre infectés par des bactéries multirésistantes.

Dans les pays industrialisés, l’identification de l’antibiorésistance est facilitée par l’utilisation d’automates pour la lecture et l’interprétation des antibiogrammes.  Des microbiologistes mettent en culture dans des boîtes de Petri sur milieu gélosé les bactéries du patient à traiter. Ils y déposent des disques de papier contenant une concentration précise de chaque antibiotique. Ces derniers diffusent dans la gélose et tuent ou non les bactéries présentes. Lorsque la bactérie est sensible à l’antibiotique, elle disparaît dans une zone concentrique autour du disque : on appelle cela la zone d’inhibition. C’est à partir de la mesure du diamètre de ces zones d’inhibition et leur comparaison à des abaques de lecture qu’est définie l’antibiorésistance (photo ci-contre). L’interprétation dépend de règles précises proposées par les experts en microbiologie.
 
Ces antibiogrammes sont réalisés par des techniciens puis généralement analysées dans des lecteurs-incubateurs d’antibiogrammes, un matériel coûteux. Ainsi, les laboratoires de microbiologie médicale peuvent proposer un résultat au clinicien afin qu’il choisisse les molécules adaptées, à la fois efficaces pour le traitement du patient et évitant le développement de bactéries résistantes.
Dans les pays en voie de développement, l’identification des résistances aux antibiotiques s’avère bien plus difficile comme expérimenté par MSF lors de la mise en place de laboratoire de bactériologie dans cinq pays à ressources limitées.

C’est à partir de ce constat dressé par Nada Malou référente microbiologie MSF après plusieurs années sur le terrain, qu’Amin Madoui, chercheur CEA au laboratoire Génomique Métabolique du Genoscope (CEA/CNRS/Université d’Évry, site de Genopole), a proposé une solution d’application mobile : « Il fallait créer une application gratuite et facile d’utilisation et développer de nouveaux algorithmes pour traiter efficacement l’image d’un antibiogramme sur un smartphone ».

La Fondation MSF a vu en ce projet une opportunité de créer une solution technologique innovante  à une problématique vécue, et en 2018 initie ce projet collaboratif entre une équipe de scientifiques du laboratoire Génomique Métabolique du Genoscope (CEA/CNRS/Université d’Évry), du Laboratoire de mathématiques et modélisation d'Évry (CNRS/Université d’Évry, site de Genopole), du service de bactériologie de l’hôpital Henri Mondor (AP-HP) et MSF dans le but de développer cet outil en open source, destiné aux professionnels de santé à l’échelle mondiale, capable de réaliser l’analyse et l’interprétation des antibiogrammes.

En 2019, le projet décroche une bourse au concours « Google AI Impact Challenge », sur des Intelligences Artificielles (IA) à fort impact sociétal. Cette bourse permet d’apporter des moyens humains (13 employés de Google/Google.org Fellows mobilisés) et de réaliser des essais de deep learning pour améliorer les performances de l’application en matière de reconnaissance d’écriture (l’algorithme reconnaît tous les noms d’antibiotiques)

L'application créée fonctionne sans connexion internet, point essentiel pour une utilisation dans des pays à faibles ressources. Elle prend des photos de l’antibiogramme avec l'appareil photo du smartphone, et guide l’utilisateur durant l'analyse. Il peut interagir à tout moment avec l'interface de l'application pour vérifier et éventuellement corriger les mesures automatiques si nécessaire.
 
Pour ce faire, elle combine des algorithmes originaux, utilisant l'apprentissage automatique ou « Machine Learning » et le traitement d'image. Un système expert extrêmement performant mis à disposition par la société i2a valide la cohérence des données et fournit des résultats interprétés. La procédure de mesure est entièrement automatique et atteint un très haut niveau de fiabilité avec 98% de concordance avec la mesure manuelle aujourd’hui la plus sûre.

Aujourd’hui l’application mobile a l’ambition de s’adapter aux environnements à ressources limitées où MSF travaille. Elle permettrait d’apporter une évaluation de la sensibilité aux antibiotiques de qualité pour tous les patients dans le monde, et pourrait participer à l’effort mondial de surveillance de l’antibiorésistance.

En 2021, MSF est en cours d’évaluation des performances cliniques de cette application dans trois pays différents afin de la déployer dans ses laboratoires d’ici la fin 2021. L’application sera ensuite mise à disposition de tous les laboratoires des pays à ressources limitées d’ici 2022.

A quelques mois de la fin des évaluations et du début de la phase de déploiement, MSF appelle tous les partenaires impliqués dans la lutte contre l’antibiorésistance à collaborer afin de mettre à disposition cette application au plus grand nombre de laboratoires dans les pays à ressources limitées
Références : AI-based mobile application to fight antibiotic resistance, Nature Communications

Marco Pascucci, Guilhem Royer, Jakub Adamek, Mai Al Asmar, David Aristizabal, Laetitia Blanche, Amine Bezzarga, Guillaume Boniface-Chang, Alex Brunner, Christian Curel, Gabriel Dulac-Arnold, Rasheed M. Fakhri, Nada Malou, Clara Nordon, Vincent Runge, Franck Samson, Ellen Sebastian, Dena Soukieh, Jean-Philippe Vert, Christophe Ambroise & Mohammed-Amin Madoui
 
À propos de l’Université d’Évry - www.univ-evry.fr
L’Université d’Évry, avec ses près de 12 000 étudiants, entre dans la dynamique de l’Université Paris-Saclay qui regroupe 15% de la recherche en France. L’Université d’Évry se distingue en particulier par une recherche de pointe en sciences exactes comme la Génomique et post-génomique, les mathématiques appliquées, l’informatique, les Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication (STIC) ainsi que les Sciences et Technologies pour l’espace, la robotique ou les véhicules autonomes, aériens et terrestres. Ces travaux et recherches s’effectuent également dans le cadre de partenariats étroits avec le Biocluster Genopole, et se concrétisent par une participation au “Cluster Paris-Drones” et au “Campus des Métiers et Qualifications - Aéronautique et Spatial” en qualité d’établissement référent. Enfin, les Sciences Humaines et Sociales (économie, droit, sociologie, histoire, musicologie), au plus près des enjeux sociétaux, interrogent les équilibres économiques, comparent le droit public et privé, et questionnent la place de l’homme au travail, l’homme face aux médias visuels, l’art et la musique.

À propos de l’AP-HP - www.aphp.fr
Premier centre hospitalier et universitaire (CHU) d’Europe, l’AP-HP et ses 39 hôpitaux sont organisés en six groupements hospitalo-universitaires (AP-HP. Centre - Université de Paris ; AP-HP. Sorbonne Université ; AP-HP. Nord - Université de Paris ; AP-HP. Université Paris Saclay ; AP-HP. Hôpitaux Universitaires Henri Mondor et AP-HP. Hôpitaux Universitaires Paris Seine-Saint-Denis) et s’articulent autour de cinq universités franciliennes. Etroitement liée aux grands organismes de recherche, l’AP-HP compte trois instituts hospitalo-universitaires d’envergure mondiale (ICM, ICAN, IMAGINE) et le plus grand entrepôt de données de santé (EDS) français. Acteur majeur de la recherche appliquée et de l’innovation en santé, l’AP-HP détient un portefeuille de 650 brevets actifs, ses cliniciens chercheurs signent chaque année près de 9000 publications scientifiques et plus de 4000 projets de recherche sont aujourd’hui en cours de développement, tous promoteurs confondus. L’AP-HP a obtenu en 2020 le label Institut Carnot, qui récompense la qualité de la recherche partenariale : le Carnot@AP-HP propose aux acteurs industriels des solutions en recherche appliquée et clinique dans le domaine de la santé. L’AP-HP a également créé en 2015 la Fondation de l’AP-HP pour la Recherche afin de soutenir la recherche biomédicale et en santé menée dans l’ensemble de ses hôpitaux.

À propos du CEA - www.cea.fr
Le CEA est un acteur majeur de la recherche, au service de l'État, de l'économie et des citoyens. Il apporte des solutions concrètes à leurs besoins dans quatre domaines principaux : transition énergétique, transition numérique, technologies pour la médecine du futur, défense et sécurité. Réunissant 20000 collaborateurs et implanté au cœur des territoires, sur 9 centres équipés de très grandes infrastructures de recherche, le CEA bénéficie d'un large éventail de partenaires académiques et industriels en France, en Europe et à l'international. Il se classe au 1er rang des organismes de recherche français en matière de dépôts de brevets en France et en Europe, selon le classement Clarivate 2019.

À propos du CNRS - www.cnrs.fr
Le Centre national de la recherche scientifique est une institution publique de recherche parmi les plus reconnues et renommées au monde. Depuis plus de 80 ans, il répond à une exigence d’excellence au niveau de ses recrutements et développe des recherches pluri et inter disciplinaires sur tout le territoire, en Europe et à l’international.  Orienté vers le bien commun, il contribue au progrès scientifique, économique, social et culturel de la France. Le CNRS, c’est avant tout 32 000 femmes et hommes et 200 métiers. Ses 1000 laboratoires, pour la plupart communs avec des universités, des écoles et d'autres organismes de recherche, représentent plus de 120 000 personnes ; ils font progresser les connaissances en explorant le vivant, la matière, l’Univers et le fonctionnement des sociétés humaines. Le lien étroit qu’il tisse entre ses activités de recherche et leur transfert vers la société fait de lui aujourd’hui un acteur clé de l’innovation. Le partenariat avec les entreprises est le socle de sa politique de valorisation. Il se décline notamment via plus de 150 structures communes avec des acteurs industriels et par la création d’une centaine de start-up chaque année, témoignant du potentiel économique de ses travaux de recherche. Le CNRS rend accessible les travaux et les données de la recherche ; ce partage du savoir vise différents publics : communautés scientifiques, médias, décideurs, acteurs économiques et grand public.

 À propos de Genopole - www.genopole.fr
Premier biocluster français dédié à la recherche en génétique et aux biotechnologies appliquées à la santé et à l’environnement, Genopole rassemble 83 entreprises de biotechnologies, 17 laboratoires de recherche, 25 plates-formes technologiques ainsi que des formations universitaires (université d’Évry). Son objectif : créer et soutenir des entreprises de biotechnologie et le transfert de technologies vers le secteur industriel, favoriser le développement de la recherche dans les sciences de la vie, développer des enseignements de haut niveau dans ces domaines. Genopole est principalement soutenu par l’Etat, la Région Ile-de-France, le Département de l’Essonne, l’agglomération Grand Paris Sud, la Ville d’Évry-Courcouronnes et l’AFM-Téléthon.


À propos de La Fondation MSF - www.fondation.msf.fr
Fondée en 1989, La Fondation Médecins Sans Frontières (MSF) est une initiative de l'association MSF visant à initier des changements de pratiques à grande échelle. Pour atteindre cet objectif, ses projets se concentrent sur trois domaines principaux :
- L'innovation technologique : sur la base des innovations technologiques, nous développons des solutions aux problèmes de terrain,
- La recherche médicale appliquée : pour valider de nouveaux protocoles médicaux, nous soutenons la recherche médicale menée par d'autres acteurs institutionnels. Ces recherches, menées sur le terrain, sont choisies pour leur potentiel transformateur,
- Connaissances humanitaires : au sein de La Fondation MSF, le CRASH vise à stimuler le débat et la réflexion critique sur les pratiques de terrain et plus généralement sur le monde humanitaire.

 

Partager cette brève :